Pantagruel voyage. Il traverse les mers d'îles en îles, jusqu'à la Dive Bouteille. Les héros de Rabelais, condensés de l'humanité, partent en quête de découvertes dans des contrées imaginaires jusqu'à l'oracle final qui dévoile la vérité du monde et des êtres. Ils chevauchent les moutons de Panurge, survivent dans la tempête, livrent une guerre aux Andouilles. Ils découvrent les
Paroles gelées, voix de peuples disparus, paroles glaçons qui se dégèlent et se font entendre quand on les touche, qui charment ou effraient. Rabelais, écrivain humaniste et médecin, insolente figure de la Renaissance, invente des mots et une langue chatoyante. Il compose le
Quart livre en 1552, point d'orgue de son oeuvre. Il brasse le cul et l'âme, les étrons et les étoiles, les peuples monstrueux et leurs coutumes fantasques. Cinq siècles plus tard, la jeune troupe de Jean Bellorini réécrit une langue actuelle et fleurie pour édifier un théâtre populaire et festif.
Les treize artistes complets bricolent un espace en mouvement. Après l'étonnant
Tempête sous un crâne d'après
Les Misérables d'Hugo, la Compagnie Air de Lune se jette dans le gargantuesque et dans la flotte d'un décor fontaine. Tous chantent et dansent dans une aventure humaine étincelée de questionnements philosophiques. Les thèmes nous renvoient à nos préoccupations?: «?lutte pour la libération des mots et des corps, recherche d'une pédagogie idéale, attaques contre les fanatismes religieux, dénonciation des guerres de conquête?», énonce le metteur en scène. Allégorique, satirique, scatologique, poétique,
Paroles gelées, périple initiatique, entraîne et éblouit.
Pierre Notte
[Représentations des 28 mars à 21h et 30 mars à 15h accessibles aux aveugles et malvoyants]