lecture d'une pièce inédite à la scène de Sarah Berthiaume
dirigée par Armel Roussel

Whitehorse, route principale. Kate fait du pouce dans sa robe de Lolita trash alors que Yuko et Garin tentent de trouver la résilience qu'il faut pour passer l'hiver. Le procès de Robert Pickton commence à la télé. Goldie, la squaw disparue vingt ans plus tôt dans les rues du Downtown Eastside, revient danser sur le divan, sous les yeux ébahis de Dad's, qui orpaille des bouteilles de gin depuis un accident de chantier. Dehors, le corbeau plane. Il fait quarante-cinq degrés au-dessous de zéro.

Extrait
GARIN - Whitehorse. La nuit. L'hiver. Moins quarante-cinq degrés Celsius. La limite entre le froid et la mort. Une fille habillée en poupée fait du pouce le long de la route principale. On pourrait la prendre pour une pute, avec ses jambes de dix-sept ans fourrées dans la dentelle et son entêtement à se trouver sur la route à cette heure. Mais ce n'est pas une pute. C'est simplement une fille habillée en poupée à moins quarante-cinq degrés Celsius. Elle a froid. Évidemment. Crissement de la neige sous ses bottes à plate-forme. Froufrou de dentelle sur ses jambes engourdies. Un prénom fait son chemin du chaud de son ventre au bord de ses lèvres et s'échappe en fine buée rose dans la nuit cassante du Yukon. Jamie. La fille soupire. Elle n'aurait pas dû descendre. Elle aurait dû rester dans l'autobus encore une nuit. Monter encore. Se perdre plus creux dans l'improbable Nord. Pousser plus loin la fuite insensée dans les montagnes, l'exhaust, les troupeaux de bisons et les A&W. Mais. Whitehorse. L'image floue d'un cheval blanc sur des rues pavées d'or. Et la voilà. À faire du pouce à moins quarante-cinq degrés Celsius dans son costume de poupée, debout sur la limite entre le froid et la mort. Je ne la connais pas encore, cette fille. Mais ça ne saurait tarder. Elle arrive chez-moi.

Issue de l'Option-Théâtre Lionel-Groulx en 2007, Sarah Berthiaume est auteure, metteuse en scène, comédienne et co-fondatrice de la compagnie Abat-Jour Théâtre. Elle est l'auteure des pièces Le Déluge après (Prix de l'Égrégore 2006, Festival d'Avignon 2007, Théâtre La Rubrique 2008, Théâtre La Chapelle 2011) Disparitions (Dramaturgies en Dialogue 2009), Yukonstyle (Festival du Jamais Lu 2010, finaliste pour le prix Gratien-Gélinas 2010) et Villes Mortes (Théâtre d'Aujourd'hui-Montréal 2011).

production Les Francophonies en Limousin/Maison des auteurs

Lecture présentée dans le cadre des Nouvelles Zébrures 2012
Avec le soutien du Centre national du livre et la collaboration de l'INSAS (Institut national du spectacle et des arts de la scène) de Bruxelles

entrée libre renseignements au bureau des EAT au 01 44 95 58 80
sur www.theatredurondpoint.fr ou par mail à infolectures@eatheatre.fr
conception et direction Louise Doutreligne, coproduction Théâtre du Rond-Point, les EAT (Écrivains Associés du Théâtre), Amd (À Mots Découverts), Influenscènes